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C’est souvent quand je nettoie l’intérieur de mon four que me viennent de grandes et belles réflexions sur l’humour.
Le seul hic, c’est que j’ai jamais su si c’était dû aux vapeurs de Cif ou à la décharge d’endorphines que me procure ma seule activité sportive hebdomadaire. Comme la dernière en date vaut son pesant de cacahuètes et comme je suis payé pour le faire, laissez-moi donc vous en faire part, ok ? Alors, voilà : “La membrane qui sépare l’autodérision poussée à l’extrême de l'auto dépréciation pure est parfois tellement fine qu’il m’arrive de confondre haine et rire de soi dans certains spectacles de stand-up”. Pas mal non ? Tenez, je me suis aussi dit dans la foulée que l’autocritique mise en scène sous la forme d’une belle grosse farce peut finalement dissimuler une belle complaisance pour ses petits malheurs, voire une manipulation quelque peu perverse pour s’attirer l’affection du public. Pas mal hein ? Puis, mes neurones en combustion ont enchaîné avec : “mais alors, comment être drôle en parlant de soi sans sombrer dans ce travers narcissique très contemporain ?”. Et là, je suis allé faire la sieste.
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- Plus brutale que trash, plus crue que cuite, plus mordante que blessante, Amandine Lourdel est une humoriste renversante, en tout cas, moi elle m’a renversé. Alors retrouvez-la dans son premier spectacle « Renversée » - Les 04, 11, 18, 25 février à la Comédie de Paris, 42 rue Pierre Fontaine, 75009 Paris, à partir de 21h.
Maintenant que je reprends ce texte en écoutant France Inter - c’est le générique de la Bande Originale qui m’a réveillé - je me rends compte que la réponse existe et, en plus, elle a une super voix, celle d’Amandine Lourdel. Son registre de vannes à elle, je nommerai ça, hmmm, laissez-moi réfléchir, hmmm… l’“auto-dérisoire social” ! Ouais, ça sonne et c’est assez juste vu qu’elle parle toujours d’elle, de sa vie, de son quotidien, de ses potes et que mine de rien, avec une goguenardise bien rêche, elle aborde toutes les questions de société qui embrasent les repas de famille : Zuckerberg qui lance une marque de fringues, le festival d’Avignon, les mâles alpha, les vibromasseurs, le polyamour, etc. Une technique de camouflage très efficace pour tacler par surprise le capitalisme, le patriarcat, l'austérité comme les inégalités sociales et de genre. Bien sûr, ses anecdotes flirtent toujours avec la loose mais sans jamais au grand jamais se vautrer dans une logique de perdant. Au contraire, en nous narrant ses dégringolades comme ses vautres, elle ramène son auditoire sur terre (ouais la satire, ça tire) en lui plongeant la tête dans le caniveau, le nez dans le réel. Et forcément, ça sent pas très bon mais... C’est ça qui est drôle. À part ça, il vous reste du Cif ?
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Thomas Bernard : Qu'est-ce qui t'a poussé à bifurquer vers le stand-up ?
Amandine Lourdel : Le désespoir ! En vrai, quand j'ai commencé le stand-up je jouais quasiment plus. Les projets avec la compagnie que j'avais montée étaient terminés mais on faisait des soirées cabaret et j'ai des potes qui ont commencé à faire du stand-up et puis c'est à peu près au même moment que j'ai vraiment découvert Gardin et j'allais pas bien du tout et je me suis dit ok donc en fait on peut prendre tout ce qui va pas et en faire quelque chose d'autre. Et comme ça j'ai écrit un 8 minutes que j'ai essayé dans une de nos soirées cabaret. Ça s'est super bien passé. Je me suis dit ça y est j'ai trouvé ma voie je vais être une star. J'ai demandé une rupture co à mon patron (j'étais responsable du soir dans une brasserie) et là, bam, covid.
T.B : C'est un atout d'être passé par le théâtre classique pour faire rire ?
A.L. : Oui... mais non. Oui parce que savoir un minimum bouger sur un plateau, la technique, le jeu… Et non parce que dans le stand-up y a quelque chose de l'ordre de l'immédiateté et de la quotidienneté que j'avais pas au début. C'était très théâtral ce que je faisais, ça l'est encore d'ailleurs pas mal. Je pense par rapport à d'autres. Et puis la proximité avec les gens dans les comedy clubs j'avais pas l'habitude. J'avais l'habitude du 4e mur (qu'existe pas vraiment dans le stand-up), j'avais l'habitude de regarder hyper loin devant moi en jouant dans des salles où on voit pas le public j'ai mis vachement de temps à m'habituer à ça, à voir les gens...Maintenant quand je vois pas les visages je suis pas bien...
T.B :Tu définirais comment ton style d'humour ?
A.L. : Trivial et anecdotique. Nan, je sais pas. C'est pas facile de savoir. Je ne pense pas vraiment faire de l'humour noir même si y a un peu de ça. Y a un mec une fois en critique qu'avait écrit, elle allie érudition et vente à la criée, j'ai trouvé ça pas mal. Et y a un journaliste une fois qui a écrit "chez Lourdel c'est pas l'esthétisme qui prime" mais je l'aime pas trop lui.
T.B : C'est quoi le rire pour toi ?
A.L. : Une cape d'invisibilité, un Lexomil, vitamine B, C et E. C'est déjà une des meilleures sensations de la vie. Corporellement. En termes de sensation rire vraiment beaucoup y a pas grand-chose d'égalable je trouve. Et puis c'est une manière d'être au monde et aux autres qui vaut toutes les autres. Les gens qui ont vraiment le sens de l'humour, c'est ouf qu'ont dise le sens de l'humour d'ailleurs comme le goût, comme le toucher, pour moi l'humour c'est aussi important. C'est une forme d'intelligence. C'est ce que je préfère chez les autres. Ça fait passer la pilule beaucoup plus facilement. Ça rend les choses douces.
T.B : Tes vidéos "brèves de conteuse", ça sent un peu le vécu, je me trompe ?
A.L. : Ouais j'ai tapé 10 ans de resto avant de vivre du stand-up. Et les gens de la resto ils traînent dans les bars et dans les restos beaucoup beaucoup. Moi les bars les restos les terrasses c'est vraiment des endroits familiers plus plus. Tellement que ça m'arrive d'être dans un bar ou un resto et qu'on me prenne pour la serveuse alors que je vais juste aux toilettes. Et pendant pas mal d'années je bossais à Paris et l'été j'allais chez mes parents faire la saison, parce qu'ils étaient restaurateurs aussi, en deuxième vie... Ils ont tout plaqué pour aller ouvrir un resto dans le sud quand j'avais 18 ans… Ma sœur aussi a eu un café. Mon père et mon frère ont ouvert ensuite un deuxième resto... Donc ma famille et beaucoup de mes ami.e.s sont des gens de la resto. Et le bar où je filme les brèves c'est justement le dernier endroit où j'ai bossé vraiment (à part quelques extras) avant d'arrêter. J'y retournerai à la resto d'une manière ou d'une autre. Le mouvement me manque un peu parfois. Les services, le rush, c'était cool. Rentrer les terrasses à 2h du mat me manque beaucoup moins par contre.
T.B : Tu viens de lancer le podcast Panache avec Arthur Fournier sur l'ode à la lose. Tu peux nous expliquer le concept de l'émission ?
A.L. : On a voulu faire un podcast sur nos loupés, des bides, des moments gênants de la vie, des cadeaux pourris, ce qui va pas nous arriver bientôt…Mais ça marche pas de ouf je crois. C'est surtout une première expérience de podcast. Moi radio podcast j'aime de ouf (parler dans un micro c'est quand même super) et là je vais rejoindre le Podcast de l'Assommoir (écoutez c'est hyper drôle) avec Jean-Sébastien le créateur avec aussi Valente Baker, Fabien Randanne et un invité différent à chaque fois à partir de janvier (humoristes, historiens, chanteurs, drag...) et ce sera diffusé sur YouTube et Twitch en live une fois par mois.
T.B :Tu fais aussi des vidéos intitulées Collées avec Audrey Baldassare. Comment l'envie vous est venue de travailler en duo (super efficace, d'ailleurs) ?
A.L. : J'avais envie de faire des vidéos à deux. J'avais écrit vite fait des épisodes et je savais pas trop avec qui le faire et j'ai proposé à Audrey parce qu'on commençait à devenir très très potes même si on se connaissait depuis pas longtemps et comme on s'entendait vraiment très bien c'était assez évident de le faire avec elle, et puis j'aimais vraiment bien son flow. Elle est, dans son corps et dans sa parole beaucoup plus dynamique pour pas dire solaire que moi et le contraste marchait je trouve. Et elle m'a dit vas-y on y va elle a écrit des épisodes aussi de son côté et on a commencé comme ça.
T.B : Comme accroche pour ton spectacle, tu dis que tu as toujours voulu vivre comme un personnage de Despentes. C'est une autrice importante à tes yeux ?
A.L. : C'est pour dire que y a un côté écorché un peu en tout cas y en a eu un... On panse (les écorchures) maintenant, avec le spectacle. Et, oui, Despentes je lis depuis que je suis ado c'est clairement mon autrice préférée. La brutalité dans le style et les personnages m'a toujours plu. J'imagine que pour plein de gens c'est trash mais ses personnages, ils sont tellement sincères en fait. Alors je ne vais pas faire un parallèle entre mon travail et l'œuvre de Despentes ce serait présomptueux mais j'aspire un peu à ce truc-là, de pouvoir dire des choses qui pourraient choquer un peu mais d'une manière telle que ça passe…
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« Hors Piste » – 26 & 27 février - Café-théâtre de la Fontaine d'Argent, Aix-en-Provence
Amandine fait des vidéo sur youtube avec Audrey Baldassare qui s’appellent « Collées ». Pour infos, Audrey a été pompier, militaire et chamois. Alors je pourrais vous débiter à la queue leu leu : qu’elle brûle les planches, fait un carton et côtoie les sommets. Bon, je ne le ferai pas parce que j’ai trop de respect pour vous. Sinon, son dernier one woman show s’appelle « Hors Piste » et je vous conseille d’y aller tout schuss. Pourquoi ? D’abord parce qu’elle y parle pas mal de cul tout en évoquant sa mère, des chèvres bios et des animaux drogués. Que son show flirte avec le surréalisme le plus gravos plus qu’avec la grivoiserie ordinaire. Et, qu’en tant que lesbienne, elle y défonce l’homophobie à grand coup de pelle à neige. Ah oui, j’oubliais, elle a remporté cette année le concours de jeunes talents du Festival d’Humour de Paris ce qui lui permettra d'être deux mois à l'affiche au Point Virgule. Ça vaut largement plus qu’une deuxième étoile, non ?
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Bon Camarade.
Arthur et Amandine sont potes, les deux ont crée le podcast Panache sur l'ode à la lose. Ca tombe bien, j’ai pas été foutu de trouver les dates de tournée d’Arthur Fournier alors je vous propose de les dénicher vous-même en zonant sur son compte insta. Bon, sinon, c’est quoi son spectacle ? Eh bien ça s’appelle bon camarade et, sur l’affiche, Arthur a la tronche ahurie d’un Che Guevara des bacs à sable. Il y raconte ses déboires en sketches et en chansons pour être un mec donc forcément de gauche, du genre qui laisse sa place aux personnes âgées dans le métro et qui trie ses déchets. C’est bon comme du bon pain et c’est normal puisque Arthur Fournier est une bonne pâte. Hasta siempre la rigolade !