
J’en vois certains sur les réseaux qui trouvent Mahaut Drama vulgaire. Eh bien, laissez-moi vous dire que je trouve ça franchement naze et m’en vais vous expliquer pourquoi.
Bon, faut être au bout du rouleau de PQ de cervelle pour en appeler à l’étymologie mais là, j’avoue, je me suis pas fadé 3 ans de latin au collège pour pas frimer. Alors les cocos, accrochez-vous. « Vulgaire », ça vient de l’adjectif « vulgaris » qui veut dire ordinaire, commun, banal ». C’est un dérivé du mot « vulgus » qui veut dire la foule, le peuple. Donc, de base, l’équation est simple : vulgaire = populaire. Alors – si vous me laissez conclure cette réflexion comme un prince de la socio de comptoir – quand vous trouvez quelqu’un ou quelqu’une de vulgaire, eh bien vous souffrez d’un sérieux complexe de supériorité de classe. D’où votre mépris. Vous me suivez ? Vous n’êtes qu’un méprisant de classe, voilà ! De toute façon, le mauvais goût c’est toujours celui des autres et surtout des pauvres.
Sinon, tenez. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué – privilégié comme vous êtes – mais on dit plus généralement ça des meufs, hein, qu’elles sont vulgaires. D’un mec, on dirait que c’est un beauf et puis si jamais on le trouve vulgaire, c’est surtout parce qu’il a ouvert sa gueule. Une meuf, elle est vulgos, point. Rien à faire ; c’est dans son style, son attitude, sa façon d’être, bref, pour ce qu’elle est. Mais si en plus elle en est fière c’est la panique morale, l’entrave aux bonnes mœurs, la faute, le péché, l’infamie. Et si en plus elle est noire et baraquée, ça vire vite au pugilat avec la ligue des champions de la vertu. Y a qu’à voir ce qu’a subi Aya Nakamura dans les médias et sur les réseaux suite à sa prestation à la cérémonie des JO. Bon, vous me direz que je suis bien rencardé sur le sujet… Mais c’est que je potasse moi ! Figurez-vous que je viens tout juste de finir un super livre sur le sujet : « Vulgaire. Qui décide ? ». Un gros pavé cornaqué par Valérie Rey-Robert avec 6 essayistes talentueuses et assez engagées dans leur genre. Je vous le conseille, c’est top. Mais bon, assez parlé culture g, parlons comique out.

Mahaut, c’est l’humour libre. C'est-à-dire ? Ben, elle emmerde tous les bipèdes assez bourges pour tordre le nez devant sa classe cheap et choc avec, ce qu’elle nomme elle-même, son cynisme à paillettes. Outrage extrême pour la brigade du style, elle assume. Mais quoi ? Ben tout… La liste est trop longue mais je dirai au moins : jeune, femme, queer, drama queen et plus si affinités. En prime et en toute occasion, elle ne faillit jamais à sa réputation ; elle adore en faire des bennes (c’est comme des caisses mais en vachement plus gros). Mais attention, si c’est excessif c’est jamais poussif, et si vous trouvez ça vulgos, c’est tout sauf gratos. Car si La divine diva surprend même la France d’en bas résille avec sa verve exubérante, c’est pour mieux capter votre attention de TDAH en manque Ritaline. Et ouais, Mahaut en a des choses à dire et des bien punk. Que ce soit sur la teuf, l’amour libre, les tampons, les mâles alpha, les seins, la santé mentale, la grossophobie, les fafs ou l’actu politique daubique, elle ne garde jamais sa langue de vipère bien longtemps dans sa poche (elle en a pas de toute façon). Dans ses chroniques comme sur scène, elle met sa vie extravertie en jeu pour mieux transformer le monde en une belle comédie clinquante et acerbe où le champagne coule à flots. Alors, si vous rêvez d’une vie sans complexes, chantez donc avec moi dans les backrooms le délicieux refrain : God save the Drama Queen !
- Mahaut sera au Casino de Bordeaux le 19 mars, 10 rue du Cardinal Richaud, dans le cadre du Festival des Fous Rires et en tournée dans toute la France.

Thomas Bernard : Vous êtes une queen, ça ok. Mais êtes-vous vraiment Drama ?
Mahaut : C'est un de mes meilleurs amis du lycée qui me définissait en disant "Mahaut, de toute chose elle est INTENSE". Et c'est vrai que je suis très sensible. Les côtés émotionnels et créatifs de mon cerveau qui gouvernent mon comportement et mes décisions. Mais je ne suis pas dans l'excès par posture. C'est juste comme ça. Longtemps j'ai dû effacer ou m'excuser d'être moi parce que ça dérangeait les autres une personnalité si différente, ça complexait certains. Pour cesser d'être renvoyée de mes tafs, j'ai dû devenir mon propre produit.
T.B : Comment en êtes-vous venue à faire votre comique out ?
M : J'ai eu plusieurs vocations : une de styliste et une de comédienne. Mais je n'ai pas trouvé de garant pour mon prêt pour l'école de mode où j'avais été reçue. Mes parents ne voulaient pas que je fasse du théâtre donc je suis allée me nourrir le cerveau à la fac. En parallèle je passais les concours des conservatoires de théâtre d'arrondissement mais je les ratais tous. C'était trop vital de faire de la scène donc j'ai fait tout ce qui était gratuit : l'atelier théâtre de la fac, les concours d'éloquence puis...le stand-up. En secret au début. Puis je l'ai dit peu à peu à mes proches. En sortant d'école de journalisme, j'ai bossé à LCI, au bout de deux mois je n'ai pas été renouvelée. Ne restait plus que le stand-up.
T.B : C’est quoi l’humour queer ?
M : Un humour inclusif où on cesse de se moquer du sujet mais des mécanismes qui amènent à la discrimination de celui-ci. Exemple : je me moque pas des lesbiennes, mais des personnes méchantes avec les lesbiennes. Je fais des blagues sur des situations vécues qui s'adressent aux concernées, pas sur des clichés véhiculés par la société.
T.B : Peut-on être heureux.se en amour comme en humour ?
M : On peut être heureux en humour en s'entourant bien et en se protégeant beaucoup. On peut être heureux en amour en se protégeant des MST et des fractures du cœur. Pour ça faut faire passer des tests de connarditudes aux gens, et bien voir leurs réactions, et non voir celles qu'on voudrait voir.
T.B : Pouvez-vous nous parler de votre doc “Corps sans Complexe” ?
M : C'est un documentaire qui partait de ce constat : comment notre société peut-elle être assez malade pour que la grossophobie commence au 40-42 ? J'ai toujours été potelée, ni plus ni moins qu'aujourd'hui et pourtant mon corps a toujours voulu être contrôlé par les autres. Socialement tu es punie par des remarques, ou l'exclusion de la séduction à l'école. À la maison, tes proches te mettent au régime "pour ton bien". Et tout s'embraye vite : complexes, mal-être, troubles alimentaires et plus. Je l'ai vécu et le stand-up, parler de ça, m'a aidé à m'assumer. On s'est intéressées avec la super réalisatrice Mélanie Bontems à mettre en lumière d'autres personnes qui prennent d'assaut la pop culture pour faire changer les normes de beauté



- Makoumè Superstar - à la Nouvelle Seine, tous les mardis de 19h30 à 20h30 !
Voguing et vague à l’âme, tel peut être le crédo du spectacle de Noam Sinseau, artiste de stand-up queer et noir. Mais bien plus que le récit d’une émancipation, son show tout en strass mais sans stress casse les codes du genre (catégorie de sexe) et du genre (catégorie d’humour). Bien sûr, c’est brillant et pas qu’à cause des paillettes, poétique et follement drôle.


Vulgaire : qui décide ?
de Valérie Rey-Robert, Lexie Agresti, Marie de Brauer, Daria Marx, Taous Merakchi et Jennifer Padjemi
- Les Insolentes - 30 octobre 2024,
160 pages, 19,95 €

- Corps sans complexe : comment je me suis libérée
À travers des trajectoires hors du commun, des rencontres inspirantes et des archives choc, Mahaut Drama raconte l’incroyable combat qu’il faut mener pour accepter un corps longtemps moqué par la culture populaire et réprouvé par la société.