À ce qu'on m'a fait remarquer, vu mon titre, j'y connais rien en ornitho en orinotho...enfin j’y connais rien en piaf ! Donc je vous éviterai tous les jeux de mots relous sur le nom d'Alexis et il m'en remercie...
Né dans les 80's comme dans les Deux Sèvres Alexis Le Rossignol a pris son envol vers la vingtaine pour une sorte d'Erasmus au Mexique. Histoire de profiter au max du soleil et du goût local pour la bamboche, il y restera 7 ans. Là-bas, pour gagner sa croûte, il devient et fourgueur d'imprimantes, pâtissier ambulant, narcos en sucre version Brossard, dealer de fromage made in France. Mais c'est alors qu'il siffle peinard une bière dans un bar du coin un soir de déprime qu'il découvre le stand-up du cru.
En effet, entre deux services, des gars du coin grimpent sur scène, installent un micro et racontent des blagues à un public hilare avant de faire tourner le chapeau. Pour Le Rossignol c'est le déclic, une illumination proche de l'insolation sans sombrero, puisqu'il écumera dès ce soir-là tous les plateaux mexicains dédiés à l'humour. Au bout de 3 ans, celui que l'on surnomme « El Frances », le français le plus drôle du Mexique, prend son billet retour direction Paris-France pour tenter sa chance dans la langue de Molière.
Une fois le pied posé en hexagone, Le Rossignol fait ses preuves sur de nombreuses petites scènes dans nos contrées reculées puis suite à une audition réussie au Point Virgule, participe au Festival d'Humour de Paris et remporte le prix SACD en 2017. Fort de son succès, il fait ses débuts à la radio dès 2018 dans l'émission 'La Bande Originale' sur France Inter et se fait remarquer pour ses chroniques au ton décalé jusqu'au malaise. Puis, début 2019, il rode son premier spectacle partout en France, il le jouera plus de 200 fois. Entre 2021 et 2022, il sillonne une tripotée de festoches dont celui de Montreux et profite du confinement pour écrire son premier livre « Les Voies Parallèles » (Plon). Ce roman initiatique, qui raconte les errances campagnardes du jeune Antonin à l'aube des années 2000, condense en quelques pages toutes les obsessions de son auteur : le monde rural, son quotidien, les français moyens, la lutte des classes et les parcours de vie atypiques à l'écart des grandes villes.
Son originalité à Alexis Le Rossignol tient autant dans son attitude nonchalante et son phrasé au ralenti que dans ces centres d'intérêt aussi surprenants que triviaux : le flan, les roulées au jambon, le lavage de pieds avec les pieds, le télétravail et la masturbation des cochons (entre autres). Son approche comique du monde vise à puiser dans le réel ordinaire, la banalité de l'existence, voire la lose commune, des anecdotes qu'il transforme en aventures délirantes pleines d'auto-dérision.
Avouant lui-même qu'il peut se complaire dans le médiocre, le Rossignol invente en toute humilité une sorte d'humour que je qualifierais de gris, non pas morose ou triste mais mélancolique et fragile, bien loin des vannes rutilantes de ses collègues, mais plus proche de nos drôles de vies. D'ailleurs Alexis aime tellement la proximité avec nous autres que chacune de ses impros sur scène vire à la confession intime et spontanée. Un échange joyeusement en roue libre et en toute simplicité sur tout et souvent sur que dalle qui me fait dire que la vie, ça peut être agréablement simple parfois.
Comment c'était d'être le français le plus marrant du Mexique ?
Franchement, c'était bien... J'étais pas forcément le plus marrant hors scène mais étant donné que j'étais le seul à faire de la scène et bien c'était moi le plus marrant sur scène. En fait, c'est un peu comme les gens qui pratiquent un sport pas connu dans un tout petit pays. Tu as vite fait d'être champion d'un sport que personne ne pratique. J'étais tout seul donc j'en jouais et comme je le disais dans un sketch là-bas : "Même si ça vous plaît pas, dites-vous que je suis le plus marrant des français".
Mais je n'ai jamais cherché à avoir une quelconque reconnaissance. J'avais juste envie de faire rire les gens et comme je suis pas du genre à me satisfaire d'un rire qui qualitativement me plaît pas, je suis reparti en France. Tu peux toujours faire rire mais à quel prix parfois... J'étais content de rentrer pour explorer autre chose que les différences culturelles du français à l'étranger parce qu'au bout d'un moment tu ne te surprends plus toi-même. Ici, j'ai pu aller sur des terrains qui sont moins évidents.
Quels terrains alors ?
Quelque chose de très lié à la futilité du quotidien : on est toujours confronté à des situations et par manque de temps, de recul, ou simplement d'observation, on va passer à côté de moments qui sont drôles en permanence dans la vie. Et moi ce que j'aime, c'est les relever ces moments-là. Qu'on puisse rire ensemble de choses qu'on fait tous et qu'au final l'humour est là et surtout la joie. Je crois plutôt en la joie plutôt qu'au bonheur. C'est Spinoza qui disait que le bonheur c'est la résultante de moments de joie successifs. On ne peut pas vouloir être heureux en permanence. Par contre on peut rester éveillé à la joie.
Donc tu proposes une sorte de décroissance de l'humour, un ralentissement de la vanne ?
Je ne prétends rien mais je propose qu'on essaie de trouver les petites choses joyeuses là où elles sont. C'est plutôt une philosophie de la vie dans sa globalité ; tout est là qui nous tend les bras, suffit de descendre et de se baisser un petit peu pour ramasser.
Comment es-tu repéré par France Inter ?
En fait j'ai été repéré au préalable par un producteur qui s'appelle Jean-Philippe Bouchard et qui produisait à l'époque Haroun que France Inter souhaitait inviter à faire des chroniques radio. Lui, il ne voulait pas alors mon producteur m'a proposé. France inter m'a pris à l'essai quasiment du jour pour le lendemain parce qu'ils avaient besoin de quelqu'un rapidement. Et donc ça fait 6 ans que ça continue.
Tu te sens proche du registre d'humour politique de certains collègues de radio ?
Je suis quand même moins frontal. Je fais passer des messages, je dis des choses, mais j'aime bien y glisser un peu plus de poésie dans l'approche. Le "courtermisme" et la réaction systématique à chaud m'épuisent un peu. C'est d'ailleurs ce qui fait qu'on ne sait plus gouverner un pays : on est dans un temps qui est réduit aux tweets, à des réactions coupées, coupées, coupées, qui ne deviennent que des phrases dont on peut faire un peu ce qu'on veut. Ce temps court, il a remplacé la réflexion de fond et on n’a plus de visions, on ne met que des pansements partout. Donc, de mon côté, je n'ai pas envie d'alimenter le truc. C'est con, mais j'ai une grande naïveté mais parfois je me dis que les politiques ne sont pas les requins qu'on prétend. Je reste convaincu qu'il y a des gens dont la seule ambition en politique est d'améliorer la vie de la cité.
En plus de tes spectacles et de tes chroniques, tu publies sur ton site des nouvelles et tu as sorti un livre récemment. Tu es un lecteur et gratteur acharné ?
Je lis énormément mais en fait, je pioche. Je peux avoir 6 bouquins en même temps et selon le moment de la journée ou du soir, je vais en prendre un et lire 2 pages et m'endormir ou je vais être pris dedans et le finir. Je lis assidument mais c'est pas ordonné. Il y a pas de calcul derrière. C'est juste des envies. Parfois je lis rien pendant une semaine. C'est surtout un truc pour poser le téléphone. Là encore, le livre c'est une sorte de ralentissement de la conso d'informations. Quand tu lis un bouquin, il te faut 6, 7, 8 heures pour avoir la fin, c'est un temps long. D'ailleurs j'ai écrit mon livre dans un temps long, pendant le confinement. C'était une proposition des éditions PLON. Une éditrice qui écoutait mes chroniques m'a dit que derrière mes chroniques, il y a matière à un livre. J'avais déjà commencé à écrire des choses, un peu comme ce qu'on peut lire sur mon site, que des nouvelles. Je me suis dit qu'à partir de certaines d'entre elles, je peux peut-être créer une histoire de A à Z et c'est ce que j'ai fait. Le roman c'est plus profond que mes chroniques. C'est le ressenti d'un gamin à l’âge du collège lycée qui est mal dans sa peau, qui sait pas trop quoi faire de sa vie. J'ai toujours eu de la tendresse et un peu de pitié pour les invisibles de la cour de récré. Il y a toujours les leaders charismatiques qui écrasent de tout leur poids la cour, le sport et derrière eux il y a des aspirants qui voudraient faire partie du lot. Mais voilà, pour une raison X ou Y, parce qu'ils ont des boutons sur le visage, pas assez d'argent ou pas les bonnes marques de fringue, ils sont en dehors. C'est des anti héros. C'est un livre un peu mélancolique qui me ramenait dans mes années d'adolescence.
Ton prochain spectacle s'appelle Le Sens de la Vie, ça raconte quoi ?
C'est un spectacle où j'aborde pas mal d'anecdotes personnelles pour aborder finalement notre quotidien commun. Ce qui nous relie en tant qu'humain c'est notre faculté à tout transformer en vision (?). C'est ce qu'on doit faire chaque jour. C'est une réflexion sur le bien-fondé de la liberté au quotidien. Nous avons tous l'envie de maîtriser les choses et on a des injonctions à la maitrise. On a même des injonctions à bien faire quand il faut pas faire, c'est à dire qu'il faudrait être zen mais le faire selon la méthode des bouddhistes tibétains, il faudrait se reposer mais se reposer tout en étant capable de faire le vide. C'est toujours guidé. Et moi, je crois beaucoup au lâcher-prise. À vouloir dominer le moment du repos, on est pas dans le repos. On suit une formule et je ne crois pas aux formules. On est confronté aux aléas de la vie, on ne maîtrise pas grand-chose et en fait, je crois que tout l'enjeu réside dans le fait d'accepter ça. Bon, je tiens à préciser quand même que c'est un spectacle aussi très drôle, on se marre bien, hein, il y a des blagues potaches, de l'humour noir, des trucs un peu limite. C'est pas un cours théorique ou de développement personnel non plus... J'ai horreur de ça.
L'affiche te montre en peignoir blanc sur une plage avec des gens en kimono en pleine pratique d'un art martial et ça m'a rappelé un de tes sketchs où tu racontes comment tu es devenu champion de Taekwondo...
C'est un clin d'œil... En fait, c'est complétement un hasard que je remporte ce championnat alors que j'étais débutant, la seule ceinture blanche au milieu des ceintures noires. Les deux ceintures noires se mettent en même temps le même coup de pied dans la tronche et se pètent le nez. Forfaits tous les deux, pas de gagnants, je me retrouve donc tout seul sur le podium. Le pire c'est qu'au Taekwondo, je ne faisais que des poussées, je n'avais jamais fait de combat, je ne m'étais jamais entraîné contre quelqu'un. Là, sur la photo, c'est du karaté avec des gens que je ne connaissais pas que j'ai rencontrés en me baladant en peignoir sur la plage pour faire le con. Et les mecs m'ont demandé de me joindre à eux sauf que j'étais à contretemps sur tout. Tout le monde se marrait et on a passé un bon moment. Donc finalement, on a le droit d'être à contretemps.