Au sommet du podium des Didier, je glisse sans trop me forcer ; Didier Wampas, Didier Drogba, Didier Bourdon (celui de la télé des Inconnus), le Didier d’Alain Chabat et, tout tout tout au-dessus de la pile, Didier Super.
Natif de Douai, gosse de peintres, Didier Super fait une grosse partie de sa scolarité dans un
établissement catholique. À part ça ? « Ben t’es gamin et t’habites à Douai. Bonjour, j’habite à Douai. Qu’est-ce que tu fais ? Ben rien. Je suis à Douai. Et voilà, c’est Douai. » Alors le jeune Didier Super, histoire d’oublier l’ennui, joue dans un groupe de punk à ch’tis. C’est vers la vingtaine que Didier se lance dans la variété underground de (très) mauvais goût en déversant sur le net un florilège de ses premières compos solo le tout pour zéro euro. Les textes bien craignos assénés par une voix éraillée de débile sur une mélodie plus que rudimentaire – quelques notes de clavier pour gosse et des accords approximatifs de guitare – rebutent les oreilles chastes mais fascinent les fans d’humour trash.
Les vieux, les caniches, les enfants, les pauvres et les cons ont trouvé en Didier Super un bourreau consciencieux mais bas du front. C’est que Didier Super ne lésine pas sur les paroles crues mais bien cramées ni sur les rimes riches mais pas du tout garanties sans sel.
Alors ? Ironique ou sincère ? 1er ou 2e degré ? Ses groupies s’en tapent, Didier itou ; l’important c’est de rire jaune et, rappelez-vous, plus il y a de la gênance plus le plaisir est intense. D’autant plus si c’est gratos…
À peine le temps de piquer un roupillon sur ses lauriers fanés qu’ un petit mais vrai label lui propose de sortir un disque dans la foulée. Mais Didier, en sale gosse assumé, embraye sur un album uniquement constitué de reprises de ses vieilles démos mais avec des instrus plus proprettes. Jouissant d’une diffusion moins confidentielle, Vaut mieux en rire que s’en foutre s’attire les foudres de la presse musicale spécialisée et se voit qualifier de « plus mauvais disque du monde et de tous les temps » par Télérama. Didier jubile… Comme dans tout bon conte de fées capitaliste, le petit label est avalé par un très très gros qui, histoire de rentabiliser le bad buz, pousse Didier à sortir un second méfait. Vaut mieux en rire que s’en foutre 2 (pour les vieux) débarque alors dans les bacs des Fnac et ne s’avère être qu’ une version réorchestrée du premier opus pour cordes et instruments à vent.
S’ensuit Ben quoi ? qui lui vaut quelques passages remarqués sur les plateaux télé et radio. C’est que le personnage de beauf sans filtre, sorte d’idiot inutile dont les « tubes » sont autant de révélateurs d’un inconscient nauséabond de la France rance, fascine et intrigue. On notera tout de même quelques dérapages pas du tout maîtrisés et quelques dommages collatéraux, tous visibles sur Youtube. Mais comme toujours, les bonnes mauvaises blagues ont une fin ; La Merde des autres, une série de reprises de standards de la variétoche avec son groupe de jeunesse Zeu Discomobile, vient clore, non sans laisser quelques traces de pneus dans le coeur des producteurs, sa course folle dans l’industrie du disque.
Didier Super a-t-il dépassé les bornes ? A-t-il emprunté tous les sens interdits du showbiz ? Oui, bien sûr. Mais sa conduite reste à mes yeux exemplaire. Prioritaire mais pas suicidaire, la musique pour lui c’est sur scène que ça se passe. En plus le zozo s’est toujours vanté de ne mettre que ses plus mauvaises chansons sur ses galettes. Alors voilà, le live c’est son carburant à Didier, la tournée des festivals son circuit préféré, la scène sa Formule 1.
Lunettes culs de bouteille sur le pif, cheveux ultra gras, pull à col roulé tropcourt et pantalon trop bas, il fonce tout droit et toujours dans le mur. Déformé au spectacle de rue, rodé à l’impro en mode rodéo sans casque, il appuie à fond sur le champignon de l’humour poussif agressif et n’hésite jamais à s’en prendre à son public qui n’en demandait pas tant. Car pour info, Didier Super exècre autant les bourgeois que les anarcho-propriétaires, les nihilistes pères de famille, les rebelles fils de médecin comme les « bobos sous perfusion intellectuelle de France Inter. ». D’ailleurs, dans son dernier virage artistique en date Didier SUPER est bien plus marrant que tous ces comiques de merde, il rend un cinglant hommage au petit monde du stand up inoffensif. Pendant une heure et demie, il démontre ses talents comiques et que si il a fait bien l’école du rire, il est un cancre vraiment très appliqué. En fait dans le grand rallye pour la gloire, Didier Super ne sera jamais en pole position mais restera pour toujours le champion de la subversion.
L’INTERVIEW TROP PLEIN DE SUPER
Thomas Bernard : Vous venez d’où, Didier Super ?
Didier Super : Oh ben du nord Pas-de-Calais !
T.B. : Comment avez-vous commencé ?
D.S. : Comme tous ceux qui ont vraiment échoué à l’école, j’ai commencé en faisant la manche. Mais comme je passais mon temps sur mon BMX au lieu de faire mes devoirs, j’ai fait la manche avec mon BMX, avec un groupe de potes qui est devenu très vite une vraie compagnie d’arts de rue avec des cachets d’intermittents et tout, bref la classe !
T.B. : On vous dit politiquement incorrect, vous êtes d’accord avec ça?
D.S. : J’ai l’habitude de ce qualificatif et m’en étonne toujours ! J’ai peut-être une façon crue de décrire le monde, mais ce qui est politiquement incorrect à mon goût, c’est par exemple en ce moment de débattre pour savoir si on a davantage raison de bombarder des petits gosses de Juifs ou des petits gosses d’Arabes… Visiblement, les petits Arabes c’est moins grave.
T.B. : Après le carton de votre morceau Y’en a des biens on vous a vu un peu partout dans les
médias. Le succès n’a pas été trop dur à gérer ?
D.S. : Disons que c’est resté un succès quand même assez relatif ! Donc, c’était tout à fait vivable ! Le plus dur était d’imaginer que je puisse continuer dans cette veine plus de 20 ans après. Peu de mes
producteurs de l’époque auraient parié un chewing-gum dans ce sens.
T.B. : En plus des chansons, vous avez aussi créé des spectacles très variés comme un show dédié aux cascades en BMX ou un autre à destination du jeune public. Pouvez-vous nous parler de chacune de ces créations ? Pour commencer : les Têtes de Vainqueurs.
D.S. : Oh ben, c’est un truc qu’on tourne depuis 23 ans qui marie plus ou moins brillamment cascades à vélo et humour de qualité douteuse. À 50 ans passés, les gens viennent surtout voir deux vieux gras du
bide tenter des prouesses pour lesquelles ils n’ont plus l’âge !
T.B. : Et si Didier Super était la réincarnation du Christ ?
D.S. : Ah ! ça c’est ma comédie musicale. En ce temps-là, c’était la fin de la mode de ces trucs-là et vu ce qu’il y avait sur le marché, je me suis dit que ça devrait pas être dur de faire mieux.
T.B. : Ta vie sera plus moche que la mienne ?
D.S. : Ben comme ma comédie musicale n’a pas trop marché, je me suis dit que j’avais plus qu’à me rabattre sur le spectacle pour enfants. Quand le producteur de l’époque est venu assister à la première, il m’a clairement dit que s’il me laissait jouer ça devant des gosses, c’était la taule.
T.B. : Didier Super est bien plus marrant que tous ces comiques de merde ?
D.S. : Ben c’est mon spectacle de stand up. C’est pas trop mal. En tout cas, bien meilleur qu’un spectacle de Franck Dubosc comme la plupart des spectacles existants.
T.B. : Vous trouvez qu’il y a beaucoup de comiques de merde en France ?
D.S. : Disons que ceux qu’on connaît le mieux sont ceux qui sont télévisés et, par conséquent, ceux qui dérangent le moins !
T.B. : Y en a des bien, non ?
D.S. : Ouais, y en a quelques-uns en train de se faire gentiment virer de leur station de radio, ils me plaisent bien !
T.B. : Qui ?
D.S. : Je peux pas balancer, je vais me faire soupçonner d’antisémitisme !
T.B. : Avez-vous déjà été censuré ?
D.S. : La censure revêt plusieurs formes : ça va de la vidéo supprimée par internet à une mairie qui intervient dans une programmation estivale pour en dégager des artistes. Et puis ça peut être aussi des phrases coupées sur un plateau télé ou à la radio... J’en oublie. Mais je pense cocher pas mal de cases dans ce domaine. De toute façon, un artiste qui ne dérange pas n’est bon qu’à faire du divertissement. Donc, c’est pas un artiste !