Mais bon sang de bois quelles sortes de fées malfaisantes se sont penchées sur le berceau de Laura Laune pour que horreurs pareilles s’échappent de sa bouche ?
Quelle sorcière infâme a-t-elle insultée dans sa prime jeunesse qu’une fois adulte son joli petit minois se barre d’un rictus démoniaque à chaque vanne ? Quel lieu de culte a-t-elle profané pour avoir le diable si solidement chevillé au corps qu’aucun exorciste, même par le Vatican assermenté, ne pourrait l’en débarrasser ? Bon, et puis franchement, qu’est-ce que j’en ai à foutre si cette princesse Disney du paradoxe – plus reine dégueulasse que des neiges – troque volontiers ses souliers de vair pour des rangers cloutées en cuir épais pour nous tirer des grands coups de latte dans les côtes ? J’aime l’humour quand ça grince comme le portail d’un vieux château, quand c’est aussi corrosif que
la bave du Démogorgon, bref, vous avez compris, je voue un culte à Sat… euh… à Laura Laune ! Seule et unique reine du rire diabolique même si pas toujours joli joli… Et puis, bon, mieux vaut régner en enfer que servir au ciel !
Au fait, le premier spectacle de Laura Laune s’intitulait justement Le diable est une gentille petite fille. Nous étions en 2017, elle était la grande winneuse de « La France a un incroyable talent ». Ce tout premier seule-en-scène fut co-écrit avec Jérémy Ferrari, autre prince des Ténèbres de la blague malaisante, et une brochette de personnages plus abominables les uns que les autres défilaient sur scène sous les traits d’une charmante blondinette. Dès les premières représentations, la magie noire opérait par contraste ; le vice s’incarnait derrière une candeur de façade, la malice se glissait dans les interstices d’une réflexion innocente, une voix fluette donnait du relief à des propos outranciers… Le public se consumait de plaisir, ce fut un succès infernal. La télé, la radio, se pressaient à sa loge pour obtenir la primeur d’une intervention dans un show quelconque et se pâmaient même devant elle. Mais la perverse nitouche préférait les faire languir en jouant de la guitare. Elle profita même de l’occasion pour sortir un album de chansonnettes à la fois primesautières et funèbres où on peut entendre la demoiselle fredonner : « Suicide-toi, papa, suicide-toi / Imagine le buzz que je ferai / J’dirai que tu m’regardes de l’au-delà / C’est sûr que les gens vont voter. » Charmant non ? Comble du vice l’album a pour titre Le Meilleur de moi (2020).
Mais maintenant que nous sommes en 2024, qu’elle a rodé son premier show pendant 5 ans sur toutes les scènes de l’Hexagone, qu’elle a eu les honneurs aussi bien des ondes que des chaînes et qu’elle est adulée par une immense fan base, comment fait Laura Laune pour rester au sommet du Mordor ? Bah, en prenant tout le monde par surprise tel un Thanos en jupon ! Mais comment ? Bon sang, patience ! Calmons-nous deux secondes et regardons attentivement l’affiche de son dernier spectacle. Le titre en est donc Glory Alléluia, une acclamation de louange envers Dieu, soit l’exact contraire de ce qu’annonçait son premier seule-en-scène. Concentrons-nous dorénavant sur la photo qui l’illustre ; nous y voyons Laura Laune, le regard posé sur nous. Elle est radieuse, toute de blanc vêtue. Une mèche de sa chevelure blonde impeccablement coiffée vient tomber sur son visage paisible qu’un sourire en coin vient troubler. Autour d’elle, de gros micros tout noirs sortent des orifices d’un mur rouge préalablement percé de part en part. Au niveau de ses épaules, Laura Laune tient un micro fermement dans sa main gauche. Vous voyez le topo ? Que nous disent alors cette image et ce titre ? La « gloire » enfin acquise ? La voilà harcelée par la presse, sommée de passer à confesse ? Ou bien joue-t-elle sur l’ambiguïté du mot « glory » et de ce mur percé qui renvoie à une pratique sexuelle nommée Glory Hole que je ne vais pas vous expliquer ici, vous savez très bien de quoi il retourne bande de petits coquins, ramassis de dégoûtantes...
Voilà le piège machiavélique qui se referme sur nous : Laura Laune nous fait croire qu’elle s’est assagie mais elle est bien pire qu’avant. Plus crue, plus cruelle et on en redemande comme de l’eau après une poignée de sel. Moi, je kiffe et perso, Laura Laune confirme parfaitement l’adage qui dit que « les gentilles filles vont au paradis, les autres là où elles veulent. »